Mon partage concerne le lien que j’ai établi depuis Novembre dernier avec un couple de SDF.
Au retour d’une cérémonie pour les « morts de la rue », sous une pluie battante, ils étaient sur un banc (près de chez moi) avec chiens et chat, suite à une expulsion. Cette situation me révolte et me bouleverse. Je retourne chez moi chercher une bâche. Le lendemain, médecins du Monde leur donne une tente, les chiens me font fête. Nous échangeons quelques mots.
En reprenant le dialogue avec eux, je sens que je m’engage à quelque chose de dur avec eux, dans la durée ; ça me pose des questions mais je ne peux pas reculer. Mon choix se situe là.
Avant Noël, ils sont délogés par la police et sont ensuite installés sous la tente dans le bois de Vincennes.
Peu à peu, ils me découvrent un peu de leur histoire. Elle travaillait à France télécom, elle a son bac. Elle a des problèmes psychologiques. Elle est sous curatelle. Il était informaticien. Il est handicapé physique et touche une allocation adulte handicapé. Elle a un suivi psychologique plus la curatelle. Une équipe qui tourne dans le bois (A.S., infirmière) les rencontre.
En priant, en parlant avec d’autres (avec un prêtre de la paroisse qui m’a accompagnée parfois dans les visites au bois, le groupe NDT, mon équipe d’ACO où un membre fait la tournée des rues), je discerne mieux ce qu’ils attendent de moi : une écoute, un accueil, sans jugement qui les aide à maintenir un lien social, une aide en voiture pour leurs provisions. Ils m’expriment qu’ils me font confiance. On se voit régulièrement, on se téléphone. A une question : « De quoi vous avez besoin ? » ils me répondent « de votre sympathie ».
Je discerne aussi ce que je ne suis pas : ni psy, ni assistante sociale, mais une présence amicale. Elle vient recharger son téléphone chez moi, souffler un peu, prendre un café chaud. Quand ça va mal entre eux, elle m’appelle : « venez raisonner Didier, il vous écoute, il a confiance en vous. Vous êtes un peu comme sa mère. ». Je leur rappelle leurs rendez-vous, ils perdent un peu la notion du temps. Je l’encourage, elle, à faire attention à sa tenue, à sa coiffure, malgré leurs conditions difficiles. J’aimerais les aider à renouer des liens avec leurs familles.
Ils sont mes amis, tels qu’ils sont. Je retrouve le sens de mon Engagement avec le Seigneur dans l’institut Notre Dame du Travail. Les attitudes fondamentales des statuts de NDT sont mon fondement:
Attention constante aux personnes qui conduit au respect de leur dignité ;
Etablir une réelle communication, recherche de la justice.
Quels renoncements cela a suscité pour moi ? Je ne sais pas. Mais cela a nécessité une disponibilité au moment où ils en ont besoin ; ça prend du temps et j’ai du temps.
Les connaître m’a poussée à mieux m’informer sur le problème du logement, à regarder différemment les gens de la rue. J’admire leur résistance dans de telles conditions (passer un hiver sous la tente au fond d’un bois) ; notamment elle doit beaucoup marcher pour rejoindre le métro, faire les courses et les démarches.
Ils font partie de ma vie, c’est un lien individuel très fort et qui me pousse à une action collective :
- Faire connaître autour de soi les situations de précarité
- Me documenter sur les situations d’exclusion (Emmaüs, articles de journaux)
- Participer à des actions collectives (journée Emmaüs sur le logement)
- Formation ATD sur le droit opposable au logement
- Nuit du type de celle du 21 Février 2008 (associations et SDF), cérémonie des morts de la rue.
C’est dans la suite de l’action syndicale qui a été la mienne, et du partage de la condition ouvrière en usine. C’est aussi en lien avec la mission NDT : « Une authentique promotion des personnes et une amélioration des structures » (statuts NDT).
Anne
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