NOTRE DAME DU TRAVAIL 1905 –  2011sequela-christi

Découvrir l’évolution du charisme de Notre Dame du Travail, sur plus de cent ans, est un exercice périlleux pour repérer au fil du temps un  projet spécifique de Dieu .

Ici le terme « charisme » sera employé comme une grâce  accordée par l’Esprit Saint, un don de Dieu fait à une personne ou à un groupe de personnes pour incarner à une époque donnée et dans la mission universelle de salut en Jésus Christ, un aspect particulier de cette unique mission de l’Eglise.

Ainsi le charisme de l’Institut Notre Dame du Travail ne peut pas être isolé du contexte du temps où il va apparaître et se développer.

Il s’est incarné dans l’action de l’Esprit Saint : comme la graine contient déjà en puissance la plante ou l’arbre qui ‘elle va devenir, il en va de même du charisme de NDT depuis son origine :  germination et croissance continuent d’être liées.

Quatre périodes vont nous aider à comprendre cette évolution:

  • 1905- 1916 : Le germe
  • 1916 – 1949 : Son développement
  • 1949 – 1992 : Sa Maturation
  • Aujourd’hui : le charisme

I – 1905 – 1916    Le germe

  • Le contexte de son apparition

En France, au début du 20ème siècle, trois facteurs entrent en jeu et vont favoriser son éclosion : le climat social en France, la situation de l’Eglise, des initiatives surgissent et font résonner des  voix.

  1. Le climat social du 20ème siècle : quelques traits

La société vit le plein essor de l’industrialisation qui, en même temps, favorise le développement du monde et va produire des effets très néfastes pour l’homme tels que : la dureté des conditions de travail, l’apparition d’un outil de travail  qui « instrumente »  l’homme, l’amour désordonné des biens engendre de nouvelles formes d’injustices et d’inégalités. Il en résulte des misères matérielles et morales qui atteignent l’homme dans toutes se dimensions (familiales, professionnelles, spirituelles…), l’empêchent de développer toute cette humanité reçue de Dieu, et, dans ce climat,  il devient de plus en plus difficile pour les chrétiens de vivre en fils de Dieu.

En même temps des hommes et des femmes font preuve de créativité, d’engagements et de solidarités, la société civile s’organise et, par exemple, en France, les lois sur les associations, les syndicats sont votées.

Cette même époque a vu le processus de « séparation de l’Eglise et de l’Etat » en France avec leurs effets variés notamment pour des congrégations religieuses.

La situation de l’Eglise

Dans ce contexte, la déchristianisation des masses était manifeste, et un matérialisme athée s’était développé; l’Eglise « perd » le contact direct avec la classe ouvrière et a fait face en France à un anticléricalisme installé depuis longtemps.

Le pape Léon XIII, par son encyclique Rerum Novarum (1891), a attiré l’attention des catholiques sur cette déchristianisation due à un désordre social fondamental qui mettait les travailleurs dans une « misère imméritée ».

Du point de vue de l’Eglise, la restauration de l’ordre social nécessite la reconstruction de « corps professionnels ». Les milieux catholiques officiels vont aider et soutenir les initiatives qui organisent des corps intermédiaires.

2. Des initiatives surgissent et font résonner des voix

Des voix se sont élevées et ont provoqué des actions pour réagir face à ces misères humaines ; particulièrement la situation des travailleurs et parmi eux, des femmes,  était la préoccupation la plus importante de l’époque.

Plusieurs initiatives ont  surgi, que ce soit en France ou à l’étranger, dans des domaines variés (médico-social, aide aux malades), et souvent en lien avec les églises. Le mouvement des catholiques sociaux, né dans la lignée de Rerum Novarum, est très présent dans les recherches et les initiatives sociales qui sont lancées;.

Dans ce contexte, une femme, Mademoiselle Rochebillard enseigne à Lyon, de façon vivante, l’Encyclique Rerum Novarum dénonçant la misère sous toutes ses formes, surtout la misère des travailleurs dont les conditions de vie empêchent l’homme d’être humain.

  • L’intuition des fondatrices

Il en faudra deux pour saisir leur désir et adopter une ligne de conduite qui aboutira finalement à la naissance d’une congrégation nouvelle reconnue par l’Eglise.

Ces deux femmes sont de leur temps ; elles ont une même sensibilité sur la vie sociale de l’époque ; l’une, Andrée Butillard, 22 ans, a un père qui a déjà travaillé  à l’amélioration des relations sociales et à la compréhension entre classes sociales; l’autre, Aimé Novo, 29 ans, orpheline de mère très tôt, voit son père veuf devenir  prêtre, d’où sa préoccupation de fidélité à l’Eglise.

La rencontre fortuite entre ces deux femmes va faire tilt : chacune de leur côté, elles ont la conviction qu’elles sont appelées à donner leur vie entière à Dieu. Elles vont acquérir la certitude qu’elles doivent servir l’Eglise et le monde, mais elles ne savent pas comment orienter leur action.

Chacune d’entre elles veut approfondir l’enseignement social de l’Eglise; elles se sont inscrites à la session de l’Institut Catholique de Lyon sur Rerum  Novarum. : Mademoiselle Rochebillard, une pionnière de l’Action Sociale, illustre son cours  en commentant une cruelle complainte chantée le soir de Noël, par une mère tenant son enfant dans les bras ; cette mère exprime sa solitude, sa rancœur, son impuissance de pauvre ; dans  sa détresse, elle chante à son enfant : « toi mon petiot, tu n’as rien dans ton sabot » ; son tourment se transforme en révolte : «quand tu auras 20 ans, je te mettrai un fusil dans les mains, tu iras à l’assaut de cette société marâtre et tu te rappelleras que tu n’as rien eu dans ton sabot. »

Toutes deux ont entendu cette complainte qui les marque  au « fer rouge » et elles ont vibré aux mêmes arguments ; dès lors elles savent à quoi elles sont destinées : elles ne vont pas travailler dans l’Eglise, elles vont s’engager, au cœur du monde, avec leurs contemporains pour plus de justice promue par les personnes elles mêmes, en remontant jusqu’aux causes premières de ce qui défigure l’homme aimé de Dieu.

Pour les deux fondatrices, il n’est pas question de mener une action sans être reliées aussi à l’Eglise pour s’opposer efficacement aux divers courants matérialistes dans le monde.

Après un séjour à Lyon puis à Marseille, les deux femmes vont s’installer à Paris, dans le quartier Plaisance, sur la paroisse ouvrière de Notre Dame du Travail où elles savent que des expériences sont menées dans l’esprit de Rerum Novarum et avec la même intuition que la leur. L’église de Notre Dame du Travail est bâtie avec des matériaux qui rappellent la construction d’une usine, signifiant ainsi la mission apostolique de l’Eglise avec tous y compris la classe ouvrière.

Elles ne sont pas seules, d’autres femmes les ont rejointes; elles travaillent avec leurs contemporains et vont participer à la création de syndicats entre autres.

Les deux fondatrices ont intériorisé la force et les exigences sociales de la Foi qu’elles appelleront « Apostolat Social » dans le monde pour servir la mission de l’Eglise. L’originalité de cette intuition les a amenées à inventer, avant l’heure, la vie consacrée au cœur du monde pour les laïcs sans changement d’état de vie, avec les mêmes moyens que leurs contemporains, pour s’engager dans la voie de l’apostolat pour participer à l’avènement du Règne de Dieu.

Elles ont cherché la structure d’Eglise leur permettant d’être fidèles à l’appel reçu ; or à cette époque, le droit Canon ne connaissait que la forme des congrégations religieuses comme institut de vie consacrée ; le père Eymieu, Mgr Couillé puis ensuite le cardinal Amette, témoins de leur cheminement et leur recherche depuis 1904, ont respecté et accueilli cette nouvelle forme d’appel à une vie consacrée, et l’ont partagée avec les instances de l’Eglise.

Elles voulaient être consacrées à Dieu et être reconnues par l’Eglise pour que leur action soit féconde ; elles ont donc décidé de fonder une nouvelle congrégation, qui a présenté une particularité astucieuse, puisqu’elle regroupe deux types de personnes : un petit groupe « d’internes » qui répondent aux critères du droit canon pour les instituts de vie consacrée , notamment la vie commune et le partage des biens; un autre groupe dit « externes »  qui, au sein de la société et là où chacune a reçu l’ appel de Dieu,  poursuivent l’action amorcée dans le monde avec le charisme de Notre Dame du Travail.

II – 1916 – 1949  Son développement

1) Les constitutions (1916), premier acte officiel, reconnaissent l’originalité du charisme de Notre Dame du Travail, avec les mots de l’époque :

Elles  définissent  les caractéristiques de l’ « Apostolat Social », notamment :

  • Il s’exerce par : l’enseignement social (formation, documentation, informations, etc.) et l’action sociale (organisations, institutions et œuvre sociales, tout ce qui peut rejoindre les personnes par leurs cadres sociaux : famille, profession, cité principalement). 
  • Il tend à organiser entre les hommes, dans la société,  plus de Justice et la Charité qui sont Dons de Dieu, en imitant Jésus Christ, et éclairé par l’Esprit afin de réparer les désordres sociaux qui défigurent l’homme et l’empêchent de vivre en enfant de Dieu.

 Elles précisent que chacune est appelée

  • à travailler à la perfection des membres,
  • à travailler à ce que les sociétés, se conformant d’avantage au vouloir divin, correspondent d’avantage au dessein d’amour de Dieu pour tous les hommes, ce qui se résume dans la prière de l’Apostolat social inventée par Notre Dame du Travail.

«  Seigneur mon Dieu, daignez éclairer nos intelligences, guider nos actions, réconforter nos cœurs afin que par votre grâce nous soyons des instruments capables de promouvoir dans le monde  plus de justice et de charité. Bénissez notre travail d’apostolat social , faites que les diverses  sociétés se conformant à vos vouloirs divins correspondent  d’avantage à vos  desseins d’amour et qu’ainsi les âmes puissent mieux se diriger vers vous , leur fin et leur béatitude éternelle. »

Dans ces constitutions, l’homme apparaît toujours en société et solidaire dans le travail à entreprendre ; l’homme y est toujours en relation avec d’autres, avec les autres et avec une action sur ce qui les écrase : les institutions.

L’icône à cette époque est  Dieu,  unique Rédempteur de l’homme et Réparateur des péchés commis dans les rapports sociaux

2)  Le charisme s’incarne

Pour que chaque homme puisse participer à son développement en fils de Dieu, les fondatrices ont choisi ces priorités :

  • L’homme  doit recevoir les outils qui lui permettront d’être acteur et non assisté ou seulement témoin de  sa vie ;
  • L’homme doit avoir le moyen de comprendre ce qui dénature l’homme dans les rapports sociaux pour remonter jusqu’aux causes y compris institutionnelles,
  • L’homme doit disposer de capacités pour travailler aux changements nécessaires, y compris sur le structures institutionnelles de notre société,  pour emprunter les chemins de réparations afin de  permettre aux hommes de vivre entre eux en fils de Dieu.

C’est ce qui les a amenées à adopter ces exigences :

  • Favoriser les prises de conscience par les hommes et les femmes eux-mêmes ;
  • Identifier les capacités des personnes pour leur confier des responsabilités adaptées ;
  • Rendre les personnes responsables de leurs prises de conscience et de leurs actions ;
  • Enraciner l’état de « frères » en Jésus Christ pour déployer une vraie solidarité humaine qui crée des devoirs réciproques, et qui est un chemin pour découvrir de ce qui obstacle ou ce qui favorise l’accueil  du Règne de Dieu.

Andrée Butillard et Aimé Novo ont réellement créé une voie nouvelle en se démarquant :

du monde médical par exemple lorsqu’il met l’accent sur les soins sans traiter les racines profondes et structurelles  des maux ;

-du monde social marqué par les actions en vue de pallier aux problèmes (patronages, colonies de vacances, etc.), et non pour travailler sur les causes profondes institutionnelles de la société de l’époque ;

-du monde ecclésial qui avait perdu le contact avec la classe ouvrière frappée au premier chef par cette déshumanisation.

En participant ou en étant à l’initiative de plusieurs œuvres, elles ont participé à la  fécondité du charisme de Notre Dame du Travail. Leur originalité a été d’enraciner la consécration à Dieu dans ces actions avec l’intention de « laisser pénétrer leur activité d’un profond esprit d’adoration, d’offrande, de charité pour faire remonter vers Dieu, avec le leur, le travail de l’humanité en union avec le Corps Mystique tout entier ».

Pendant cette période,  l’icône de ce groupe apparaît plus comme étant le Christ-Roi, le Règne

 III – 1949 – 1992   Sa maturation

  • Un évènement d’Eglise: une nouvelle forme de vie consacrée

Un fait nouveau apparaît dans l’Eglise : riche des expériences de divers groupes et de leur travail en commun à la suite de la réunion tenue en Suisse en 1938, l’Eglise, guidée par l’Esprit Saint à l’œuvre, a reconnu cette nouvelle forme de vie consacrée : La constitution apostolique « Provida Mater » (2 février 1947) et le Motu Proprio  « Primo Feliciter » (1948).

Ces textes ont été écrits avec le même Esprit que celui qui a présidé au travail réalisé pendant le concile Vatican II, et plus particulièrement Lumen Gentium et  Gaudium & Spes ; l’esprit de ces textes a pour effet de situer les Instituts Séculiers dans le mouvement de présence de l’Eglise au cœur du monde ; l’intuition de Notre Dame du Travail s’y retrouve pleinement renforcée.

  • La seule humanisation : Don de Dieu

Notre Dame du Travail prend la décision de devenir Institut Séculier le 21 août 1949 ; ses nouveaux statuts ont remplacé les constitutions de 1916  et  l’Eglise y reconnait  le charisme de Notre Dame du Travail, vécu depuis 1916, et qui subira une évolution de l’Apostolat Social à l’Humanisation sur une longue période.

Les nouveaux statuts (1949) libèrent les personnes en leur donnant leur autonomie et en les rendant très solidaires entre elles à l’intérieur de l’Institut. Les Groupes sont constitués, un ensemble d’évolutions vont permettre de mettre en pratique la vision de l’homme qui caractérise Notre Dame du Travail : trouver par elles mêmes, essayer progressivement d’être non pas pour aller sanctifier la société, mais pour être avec les contemporains, pour être solidaires. Les membres de Notre Dame du Travail sont insérés dans des  milieux de vie différents ; chacune est solidaire de ce milieu, et toutes apprennent à être  solidaires entre elles pour la fraternité, et pour garder le souffle commun qu’elles ont reçu et qui les anime.

Les itinéraires des personnes sont repensés en fonction de la vision de l’homme qui caractérise Notre Dame du Travail, avec un  travail de réappropriation de cette vision à l’intérieur de l’Institut. C’est un long travail de regard, de réorganisation pour que l’Institut soit conforme à la fois aux textes d’Eglise et au but principal de l’Apostolat Social : ses membres travaillent dans la société civile pour plus de justice et de charité en vue d’un monde plus fraternel et donc plus conforme au dessein de Dieu, avec la mention de réparation des péchés commis dans les rapports sociaux ; l’homme y est toujours vu en rapport avec d’autres (individuellement et collectivement) et en rapport avec le travail d’humanisation au cœur de la société.

Trois lignes de force ont alors principalement marqué Notre Dame du Travail: l’autonomie et responsabilité donnée à chaque personne, l’approfondissement du charisme, l’avancée dans l’exercice de la fraternité.

Les conséquences de cette transformation furent nombreuses, par exemple :

  • l’Institut avait moins un message particulier à répandre, qu’un dépouillement  à opérer pour lire cette présence de Dieu dans les évènements. Il s’agissait plus de traduire au monde un signe de l’action de Dieu.
  • l’Institut devait accentuer, pour chacune, son rôle de soutien de la fidélité pour « aider ses membres  à se consacrer totalement à Dieu en mettant toutes leurs énergies vitales et toutes leurs ressources spirituelles au service de l’humanisation véritable du monde à laquelle ils participent  » (1965 – travail préparatoire des nouveaux statuts).

Cette longue transformation a été éclairée par la spiritualité ignatienne présente depuis les origines de Notre Dame du Travail ; cela s’est exprimée ainsi dans l’un de ses écrits :

« L’Esprit de Foi, qui voit tout en Dieu et à la lumière de l’Evangile, assez solide et agissant pour informer toute leur vie, pénétrer toutes leurs actions et considérer tous les hommes comme membres du Christ ;

La générosité mettant tout ce qu’on a et tout ce qu’on est au service de Dieu, sans hésiter, sans marchander, allègrement, complétant le don par la manière de se donner ».

L’icône , c’est le Christ humanisateur , récapitulateur.

  • Une nouvelle fraternité solidaire

En 1971, Notre Dame du Travail  rédige un petit livret sur le demande de la Congrégation pour actualiser les évolutions vécues depuis 1949. L’Institut y développe que l’humanisation de tout homme et du tout de l’homme amène à une nouvelle relation fraternelle dans les rapports sociaux comme dans toutes les dimensions de la vie de chaque homme.

L’Institut y développe ces traits du charisme :

  • Le travail solidaire de tous les frères
  • La recherche de la Justice dans les rapports humains

En effet, le travail à l’avènement de la fraternité dans la vie quotidienne est modelé par le charisme de Notre Dame du Travail qui s’approfondit dans le cadre de la vie fraternelle de l’Institut. Pour ses membres, c’est aussi l’apprentissage permanent que la fraternité est reçue comme Don de Dieu qui seul humanise les hommes.

L’icône, c’est le Christ fraternel à visage humain.

IV – Aujourd’hui : le charisme

Dès sa conception l’enfant possède tout son potentiel génétique ;  devenu adulte, il changera de physionomie mais il restera identiquement le même. Il en est de même pour le charisme de Notre Dame du Travail marqué par cette loi de croissance.

Face aux changements vécus au cours des étapes franchies, l’évolution du charisme dans ses formes a pu laisser un sentiment de perte, de frustration, mais il gagnait en maturité.

Nous le retrouvons aujourd’hui avec toute sa vigueur et son authenticité. Loin de marquer un recul, l’approfondissement du charisme exprime mieux ce que l’Eglise attend aujourd’hui : porter témoignage de l’évangile accessible au monde tel qu’il est actuellement.

Le charisme des origines, qui visait une authentique promotion des personnes, l’humanisation véritable de tout homme et du tout de l’homme avec le souci de porter la réparation des péchés commis dans les relations sociales, demeure vivant et suit les besoins nouveaux de la société, de l’Eglise, du développement du charisme.

  • Le contexte de la société

Alors que les techniques et les technologies se sont beaucoup développées, elles ont beaucoup soulagé la vie des personnes, voire même elles ont redonné de l’autonomie à des personnes atteintes d’handicaps ; néanmoins elles ont aussi créé de nouvelles formes misères aussi graves qu’au siècle précédent. Le recours excessif et non maitrisé à ces technologies, l’usage détourné de certaines d’entre elles « instrumente » l’homme et développe de nouvelles pauvretés de tous ordres.

Le 21ème siècle est suréquipé en moyens techniques, de communication et de connaissance de soi, de la génétique, ce qui développe une inventivité très forte qui rend les personnes encore plus acteurs de leur croissance ; mais cela peut aussi laisser croire que l’homme peut  tout maitriser et se passer de Dieu.

  • Le contexte de l’Eglise

Avec trois encycliques sociales, l’Eglise rappelle la nécessité du développement intégral de chaque homme, de chaque peuple : Populorum Progressio (26 mars 1967),  Solicitudo Rei Socialis ( 30 décembre 1987 ) et Veritas in Caritate (29 juin 2009). Ces textes, et plus particulièrement l’encyclique de Benoit XVI, appellent tous les hommes à « un développement intégral de l’homme en faisant interagir les divers niveaux du savoir humain en vue de la promotion d’un vrai développement des peuples… en rappelant qu’avoir en commun des devoirs réciproques mobilise beaucoup plus que la seule revendication des droits ».

Ces trois encycliques nourrissent le charisme de Notre Dame du Travail; les termes employés par Benoit XVI sont en résonnance avec les accents du charisme tel qu’il a été exprimé pendant toutes ces années.

  • De l’Humanisation véritable à la Rencontre

Notre Dame du Travail met l’accent sur l’accueil du Royaume de Dieu, présent en germes dans le monde ici et maintenant, et pas encore advenu au sens eschatologique ; parce que les membres de Notre Dame du Travail apprennent à ancrer leur Foi dans « l’être de l’homme » aimé de Dieu en premier, il leur revient de chercher l’Esprit de Dieu à l’œuvre en tout homme, que celui-ci l’accueille, s’y refuse,  y mette obstacle, ou Le cherche.

Les nouveaux statuts de Notre Dame du Travail, approuvés en 1992, expriment la permanence du charisme d’humanisation des hommes et du tout de l’homme, par l’action constante de Dieu présent en chacun ; les accents du charisme sont les suivants:

« Chacune, là où elle vit, participe aux efforts individuels et collectifs de développement et d’humanisation véritable. Dans le quotidien, elle est invitée à :

  • Découvrir et faire les germes de vérité, de justice, d’amour, de solidarité, de réconciliation ;
  • Partager joies, peines, espoirs, combats inhérents à toute activité humaine ;
  • Percevoir les signes de l’action de Dieu dans le monde, à travers tous les efforts des hommes : luttes contre l’égoïsme, actions en faveur de la paix.
  • Promouvoir et défendre le respect de l’homme et de tous les hommes comme finalité de toute avancée  qu’elle soit d’ordre technologique, économique, politique, éthique ou culturel.
  • Repérer et combattre les forces d’oppression, « structures de péché » qui détournent l’homme de sa finalité voulue par Dieu : un monde de frères en Jésus Christ ;
  • Assumer notre part de souffrances, quelle que soit notre situation, en les unissant à celles du Christ rédempteur. 

Les membres de Notre Dame du Travail, présentes dans des milieux très variés dont elles sont solidaires, et engagées de manières diverses (institutionnelles, associatives, organismes divers, relations dans la vie quotidienne…) apprennent à y vivre des « solutions seulement probables » pour y reconnaître l’Esprit du Christ  agissant,  et pour cela à :

  • Etre un pont, un lien entre des groupes d’hommes qui s’ignorent, ne se connaissent pas, ne se comprennent pas… et pourtant ils ont à emprunter ensemble un chemin car la croissance des personnes en humanité est possible, au sein des relations humaines, si elle est ancrée au fond des cœurs où l’Amour vivifiant de Dieu « poursuit » chaque individu.
  • Créer un rapport vrai aux autres afin d’y trouver la relation vraie à Dieu et au Christ tout ensemble, c’est-à-dire la relation qui conforme chacun « à l’humanisation de Dieu en Jésus ».
  • Accueillir les formes et expressions de ce même charisme reconnu et vécu par des personnes d’autres cultures et d’autres pays,  appelées par le Seigneur avec la même intuition que celle des origines ; c’est une invitation à laisser une nouvelle fois germer  la vie où s’enracine l’Appel de  l’Esprit qui  devance toujours les hommes.

La vie des membres de Notre Dame du Travail illustre l’expression de Paul VI aux Instituts Séculiers appelés à devenir un  « laboratoire d’expérience » où se vérifieront, se décanteront, se préciseront les modalités concrètes des rapports de l’Eglise avec le monde, à changer le monde du dedans en assumant le risque des « solutions seulement probables ».

Pour ce faire, les membres de Notre Dame du Travail sont soutenus dans leur fidélité et leurs solidarités par l’Esprit du charisme, le discernement et la vie fraternelle de l’Institut reçue comme Don de Dieu présent en Jésus.

L’icône est l’image de Dieu Amour façonnant l’homme.

CONCLUSION

Nous avons suivi le charisme de Notre Dame du Travail depuis son origine comme force inspiratrice d’actions sociales au service de l’homme. Nous avons essayé de le saisir au cours de son évolution passant d’un savoir à transmettre à un savoir  « être avec », travaillant à la manière d’un ferment là où nous sommes semées pour, aujourd’hui témoigner de Jésus Christ dans le monde dont les membres de Notre Dame du Travail partagent le douleurs, les joies, les espoirs ; c’est aussi au cœur de cette vie fraternelle partagée avec les contemporains que Dieu parle aux hommes de notre temps, dans les situations actuelles en empruntant un langage humain.

Notre Dame du Travail est au service de la nouvelle communion fraternelle entre les hommes, au cœur de leur réalité; ils se nourrissent de la phrase de Paul VI aux Instituts Séculiers :

« Vous enrichissez l’Eglise d’aujourd’hui en donnant un exemple particulier de sa vie « séculière »  vécue d’une façon consacrée et un exemple particulier de sa « vie consacrée » vécue de façon séculière ». (1972)

Pour cela Notre Dame du Travail est appelée à une ouverture permanente pour amener tout homme à Jésus Christ en s’associant pour cela au travail de l’Esprit, participant à un aspect particulier de la mission de l’Eglise.