SECRÉTAIRE D’ÉTAT

Cité du Vatican, le 18.07.2012

+Tarcisio Cardinal Bertone
Secrétaire d’État

Mademoiselle,

J’ai le plaisir d’envoyer aux membres des Instituts séculiers le présent Message du Saint-Père à l’occasion du Congrès qui se tient à Assise, organisé par la Conférence Mondiale des Instituts Séculiers sur le thème « A l’écoute de Dieu “dans les sillons de l’histoire”: la sécularité parle à la consécration ».

Cette thématique importante met l’accent sur votre identité de consacrés qui, en vivant dans le monde la liberté intérieure et la plénitude de l’amour qui procèdent des conseils évangéliques, voit en vous des hommes et des femmes capables d’un regard profond et d’un bon témoignage de l’histoire. Le temps présent pose à la vie et à la foi des questions profondes, mais manifeste aussi le mystère de la nuptialité de Dieu. En effet, le Verbe qui s’est fait chair célèbre les noces de Dieu avec l’humanité de chaque époque. Le mystère caché depuis des siècles dans l’esprit du Créateur de l’univers (cf. Ep 3,9) et manifesté par l’Incarnation, est projeté vers l’accomplissement futur, mais déjà enraciné dans l’aujourd’hui, telle une force rédemptrice et unificatrice.

Au sein de l’humanité en chemin, animés par l’Esprit Saint, vous pouvez discerner les signes discrets et parfois cachés qui indiquent la présence de Dieu. Ce n’est que par la grâce, don de l’Esprit, que vous pouvez trouver sur les sentiers parfois tortueux des vicissitudes humaines la voie vers la plénitude de la vie surabondante. C’est un dynamisme qui contient, au-delà des apparences, le véritable sens de l’histoire selon le dessein de Dieu. Votre vocation consiste à habiter dans le monde en en assumant tous les poids et tous les désirs, avec un regard humain qui coïncide toujours plus avec celui de Dieu, dont naît un engagement original, particulier, basé sur la certitude que Dieu écrit son histoire de salut sur la trame des vicissitudes de notre histoire.

En ce sens, votre identité montre aussi un aspect important de votre mission dans l’Église: l’aider à réaliser son existence dans le monde, à la lumière des paroles du Concile Vatican II: « Aucune ambition terrestre ne pousse l’Église; elle ne vise qu’un seul but: continuer, sous l’impulsion de l’Esprit Consolateur, l’œuvre même du Christ, venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité, pour sauver non pour condamner, pour servir non pour être servi.» (Gaudium et Spes, 3). La théologie de l’histoire est une partie essentielle de la nouvelle évangélisation, parce que les hommes du temps présent ont besoin de retrouver un regard d’ensemble sur le monde et sur le temps, un regard vraiment libre et pacifique (cf. Benoît XVI, Homélie prononcée pendant la messe pour la nouvelle évangélisation, 16 octobre 2011). Et le Concile nous rappelle que la relation entre l’Église et le monde doit être vécue sous le signe de la réciprocité, car ce n’est pas seulement l’Église qui donne au monde, contribuant à rendre plus humains les hommes et leur histoire, mais c’est aussi le monde qui donne à l’Église, de façon qu’elle puisse se comprendre mieux elle-même et mieux vivre sa mission. (cf. Gaudium et Spes, 40-45).

Au cours de votre session vous allez examiner l’aspect spécifique de la consécration séculière afin de comprendre comment la sécularité parle à la consécration, comment les traits caractéristiques de Jésus – chaste, pauvre et obéissant – revêtent dans votre vie une « visibilité » exemplaire et permanente dans le monde (cf. Exhortation apostolique Vita Consecrata, 1). Sa Sainteté souhaite indiquer trois domaines méritant votre attention.

En premier lieu, le don total de votre vie en réponse à une rencontre personnelle et vitale avec l’amour de Dieu. Vous qui avez découvert que Dieu est tout pour vous, vous avez décidé de tout donner à Dieu et de le faire d’une manière particulière : en restant laïcs parmi les laïcs, prêtres parmi les prêtres. Cela requiert une vigilance toute particulière afin que vos styles de vie manifestent la richesse, la beauté et la radicalité des conseils évangéliques.

En deuxième lieu, la vie spirituelle. Point ferme et indispensable, point de repère solide pour alimenter ce désir de vous unir en Christ, qui est le but de l’existence tout entière de chaque chrétien et en particulier de celui qui répond à l’appel de se donner entièrement. La mesure de la profondeur de votre vie spirituelle ne réside pas tant dans vos activités, bien que nécessaires à votre engagement, mais dans la capacité de rechercher Dieu dans le cœur de tout événement et de rapporter toute chose au Christ. Cela signifie « récapituler » toutes choses dans le Christ, comme le dit l’apôtre Paul (cf. Ep 1,10). L’histoire tout entière et toutes les histoires ne trouvent un sens et une unité que dans le Christ, Seigneur de l’histoire.

C’est donc dans la prière et dans l’écoute de la Parole de Dieu que ce désir peut se fortifier. C’est dans la célébration eucharistique que vous pouvez retrouver la racine vous permettant d’être le pain de l’Amour, rompu pour les hommes. C’est dans la contemplation, dans le regard de la foi éclairé par la grâce, que vous devez enraciner votre engagement à partager avec chaque homme et chaque femme les questions profondes que chacun se pose, pour édifier l’espérance et la confiance.

En troisième lieu, la formation. Celle-ci n’omet aucun âge, parce qu’il s’agit de vivre sa vie dans la plénitude, s’éduquant à la sagesse qui est toujours consciente de la centralité humaine et de la grandeur du Créateur. Vous devez rechercher les contenus et les modalités d’une formation qui fasse de vous des laïcs et des prêtres capables de se laisser interroger par les complexités du monde, de rester ouverts aux sollicitations venant de vos relations avec les frères qui croisent votre chemin, de s’engager dans un discernement de l’histoire à la lumière de la Parole de vie. Vous devez être disponibles pour construire, avec tous ceux qui recherchent la vérité, des parcours de bien commun, sans recourir à des solutions toutes faites et sans avoir peur des questions qui restent telles, mais toujours prêts à remettre votre vie en jeu, certains que si le grain de blé qui tombe en terre meurt, il porte du fruit en abondance (cf. Jn 12,24). Vous devez être créatifs, parce que l’Esprit apporte sans cesse des nouveautés; vous devez avoir des regards capables de construire l’avenir et d’enfoncer des racines solides dans le Christ notre Seigneur, pour pouvoir dire aux hommes du temps présent l’expérience d’amour qui est à la base de la vie de chaque homme. Vous devez embrasser avec charité les blessures du monde et de l’Église. Et vous devez surtout vivre une vie joyeuse et pleine, accueillante et capable de pardon, parce que fondée sur Jésus-Christ, Parole définitive d’Amour de Dieu pour l’homme.

En vous faisant part de ces réflexions, le Souverain Pontife assure votre Congrès et votre Assemblée de sa prière, invoquant l’intercession de la Bienheureuse Vierge Marie, qui a vécu dans le monde la parfaite consécration à Dieu dans le Christ, et accorde sa Bénédiction apostolique de grand cœur, à vous-même et à tous les participants.

En vous formulant mes meilleurs vœux, je profite de cette occasion pour vous exprimer ma profonde estime.