Discours du Pape François aux Instituts Séculiers en Italie
Chers frères et sœurs,
Je vous accueille à l’occasion de votre Assemblée et vous salue en vous disant : je connais et apprécie votre vocation ! Elle est une des formes les plus récentes de vie consacrée reconnue et approuvée dans l’Église, et, peut-être à cause de cela, n’est pas encore pleinement comprise. Ne vous découragez pas : vous faites partie de l’Église pauvre et en mouvement dont je rêve !
Par vocation, vous êtes laïcs et consacrés comme les autres et au milieu des autres, vous suivez une vie ordinaire, sans signe extérieur, sans le soutien d’une vie en communauté, sans la visibilité d’un apostolat organisé ou d’une œuvre spécifique. Vous êtes uniquement riches de l’expérience totalitaire de l’amour de Dieu et c’est pour cela que vous êtes capables de connaître et partager les soucis de la vie dans ses multiples aspects, la mûrissant à la lumière et la force de l’Evangile.
Vous êtes le signe de cette Eglise du dialogue dont parle Paul VI dans l’Encyclique Ecclesiam suam : « On ne sauve pas le monde du dehors – dit-il ; il faut, comme le Verbe de Dieu qui s’est fait homme, assimiler, en une certaine mesure, les formes de vie de ceux à qui on veut porter le message du Christ ; sans revendiquer de privilèges qui éloignent, sans maintenir la barrière d’un langage incompréhensible, il faut partager les usages communs, pourvu qu’ils soient humains et honnêtes, spécialement ceux des plus petits, si on veut être écouté et compris. Il faut, avant même de parler, écouter la voix et plus encore le cœur de l’homme ; le comprendre et, autant que possible, le respecter et, là où il le mérite, aller dans son sens. Il faut se faire les frères des hommes du fait même qu’on veut être leurs pasteurs, leurs pères et leurs maîtres. Le climat du dialogue, c’est l’amitié. Bien mieux, le service. »
Le thème de votre Assemblée, « Dans le cœur des événements humains : les défis d’une société complexe », montre le domaine de votre mission et de votre prophétie. Soyez dans le monde mais non du monde, en portant en vous l’essentiel du message chrétien : l’amour du Père qui sauve. Soyez dans le cœur du monde avec le cœur de Dieu.
Votre vocation vous rend attentifs à chaque homme et à ses demandes les plus profondes, qui souvent restent inexprimées ou masquées. Dans la force de l’amour de Dieu que vous avez rencontré et connu, vous êtes capables d’intimité et de tendresse. Ainsi vous pouvez être très proches, jusqu’à ‘toucher’ l’autre, ses blessures et ses attentes, ses demandes et ses besoins, avec cette tendresse exprimant une attention qui supprime toutes les distances. Comme le Samaritain qui passa à côté, vit et eut de la compassion. Il est là le mouvement auquel vous engage votre vocation : passer à côté de chaque homme et vous faire proche de chaque personne que vous rencontrez, parce que le fait que vous demeuriez dans le monde n’est pas simplement une condition sociologique, mais une réalité théologale qui vous appelle à une attitude consciente, attentive, qui sache percevoir, voir et toucher la chair du frère.
Si ceci n’arrive pas, si vous êtes devenus distraits, ou pire encore si vous ne connaissez pas ce monde contemporain mais que vous connaissez et fréquentez seulement le monde qui vous est le plus facile ou vous attire plus, alors il est urgent de se convertir ! Votre vocation est par nature « en sortie », non seulement parce qu’elle vous porte vers l’autre, mais aussi et surtout parce qu’elle vous demande d’habiter là où habite chaque homme.
L’Italie est la nation qui a le plus grand nombre d’Instituts séculiers et de membres. Vous êtes un levain qui peut produire un bon pain pour tant de personnes, ce pain dont on a tellement faim : l’écoute des besoins, des désirs, des désillusions, des espérances. Comme ceux qui vous ont précédés dans votre vocation, vous pouvez redonner l’espérance aux jeunes, aider les anciens, ouvrir la route vers le futur, défendre l’amour partout et dans chaque situation. Si ceci n’arrive pas, si votre vie ordinaire manque de témoignage et de prophétie, alors, je vous redis, il est urgent de vous convertir !
Ne perdez jamais l’élan de marcher sur les routes du monde, dans la conscience que marcher, même d’un pas incertain et boiteux, c’est toujours mieux que de rester sur place, fermé sur ses propres questions ou dans ses propres certitudes. La passion missionnaire, la joie de la rencontre avec le Christ qui vous pousse à partager avec les autres la beauté de la foi, éloigne le risque de rester bloqué dans l’individualisme. La pensée qui propose l’homme comme artisan de soi même, guidé seulement par ses propres choix et par ses propres désirs, pensée souvent revêtue de l’habit apparemment beau de la liberté et du respect, risque de miner les fondements de la vie consacrée, spécialement celle du séculier. Il est urgent de réévaluer le sens de l’appartenance à votre communauté de vocation qui, justement parce qu’elle ne se fonde pas sur la vie commune, trouve sa force dans le charisme. Pour cela, si chacun de vous est pour les autres une possibilité précieuse de rencontre avec Dieu, il s’agit de redécouvrir la responsabilité d’être prophétie en tant que communauté, de rechercher ensemble, avec humilité et avec patience, une parole de sens qui peut être un don pour le pays et l’Église, et de la témoigner avec simplicité. Vous êtes comme des antennes prêtes à recueillir les germes de nouveauté suscités par l’Esprit Saint, et vous pouvez aider la communauté ecclésiale à assumer ce regard de bonté et trouver les routes nouvelles et courageuses pour rejoindre tous.
Pauvres parmi les pauvres, mais avec un cœur ardent. Ne jamais s’arrêter, toujours en chemin. Ensemble et envoyés, même quand vous êtes seuls, parce que la consécration fait de vous une étincelle vivante de l’Église. Toujours en chemin avec cette vertu qui est une vertu pèlerine : la joie !
Merci très chers frères et soeurs, de ce que vous êtes. Que le Seigneur vous bénisse et que la Sainte Vierge vous protège. Et priez pour moi !
Traduction de Zenit, Hugues de Warren