Intervention de Monseigneur Roland
(Président de la Commission épiscopale de la Vie Consacrée)
A la Conférence Nationale des Instituts Séculiers en France
(Forum de Chevilly Larue – 2013)
Un 1er point : le contexte social présent.
Qu’est-ce qui touche les gens, qu’est-ce qui fait autorité ?
Nous l’avons entendu hier, ce qui touche les gens, ce ne sont pas les institutions ecclésiales ou autres. Les figures traditionnelles d’autorité sont en crise.
Ce qui touche aujourd’hui, ce sont des témoignages personnels.
Je voudrais insister sur les gens qui sont témoins par la cohérence de leur vie. Le pape Paul VI disait que notre monde n’a pas besoin de maître mais de témoins. Tout récemment, le Times a élu le pape François comme personnalité de la ville. Avec lui, on voit quelqu’un qui est témoin dans sa manière d’être, dans sa simplicité de vie.
Ce qui touche aujourd’hui, ce sont des gens qui sont habités, habité par une présence. Il y a des gens qui sont des hommes politiques charismatiques, il y a des gens qui sont des animateurs socioculturels de talent. Être habité en profondeur touche réellement.
Ce qui touche aussi, ce sont des gens que l’on voit libre, d’une liberté intérieure. C’est une liberté intérieure qui est liée à une présence. Présence d’un autre.
C’est une liberté qui n’est pas à confondre avec des comportements libertaires, des comportements de personnes qui sont désordonnées, qui sont déstructurés. C’est la liberté profonde de celui qui est habité par un Autre.
On est touchée aussi par des gens qui vivent dans la désappropriation d’eux même, des gens qui ne cherchent pas à se valoriser, qui ne cherche pas à se mettre en avant. Des gens qui ne fonctionnent pas à la séduction (c’est un mode parfois pervers). Des gens qui ne revendiquent rien pour eux-mêmes, des gens qui ne cherchent pas la gratification personnelle dans ce qu’ils font, mais des gens qui œuvrent dans la gratuité et le désintéressement.
On est touchée aussi par les gens qui apportent la vie dans un monde qui est en quête d’espérance profonde. Des gens qui apportent l’espérance, qui apportent le goût de vivre, surtout dans un pays comme le nôtre qui est largement touchée par le phénomène du suicide. Il y a besoin de donner goût à la vie.
On est touché aussi par des gens qui s’adressent à tous, des gens qui ne font exception de personne. Des gens qui sont témoins de l’universalité, des gens qui construisent la communion.
Je constate que les membres d’institut séculier font parti de ces témoins qui sont attendus, de ses témoins qui sont crédibles avec un atout majeur qui est la proximité.
Vous êtes présents dans le monde ordinaire, dans le monde quotidien. Votre vie rejoint le monde dans le quotidien, rejoint les gens dans le concret de leur vie quotidienne.
C’est important d’entendre ça pour vous conforter, pour vous confirmer dans l’action qui est la vôtre. Vous êtes de ces témoins qui sont attendus, qui sont crédibles parce qu’il y a l’habitation d’une présence, parce qu’il y a cette liberté, parce qu’il y a désappropriation de soi, parce qu’il y a l’apport de la vie, de l’espérance et parce qu’il y a une adresse universelle..
Un 2ème point sur lequel je voudrais attirer votre attention, c’est que vous pouvez aider profondément notre monde, un monde qui fuit la solitude. On est dans un contexte où les hommes fuient la solitude de multiples manières : une solitude qui nous amène à penser, à réfléchir à notre vie, au sens de notre vie. Dans ces cas-là, on n’est pas affronté à sa finitude. On est un homme qui se veut tout puissant, qui ne veut pas qu’on lui rappelle sa fragilité.
Le témoin lui, va accepter ses fragilités et celle des autres, il va vivre avec modestie.
Les gens fuient la solitude; quand on accepte la solitude, on accepte la rencontre d’un autre, de cet hôte intérieur, celle de Dieu.
Dans le monde d’aujourd’hui où l’on revendique l’autonomie, où l’ on revendique la construction par soi-même « je n’ai besoin de personne…. Ni Dieu ni maître » Tout cela marque profondément notre culture. Dans ce contexte, les gens fuient la solitude pour ne pas se trouver face à leur finitude, face à eux-mêmes et face à Dieu.
Je crois que vous êtes des personnes capables d’offrir une possibilité de vivre une solitude habitée qui n’est pas une solitude d’indépendance, d’une surévaluation de l’égo. Vous offrez la possibilité de rencontrer des personnes qui ont un espace intérieur à nourrir et à construire.
Vous avez beaucoup insisté sur l’écoute de l’esprit saint. Il y a une attitude d’écoute, il y a un silence qui n’est pas mortifère mais un silence qui permet l’écoute, l’écoute de cette hôte intérieur qui est l’esprit saint
Vous montrez justement, par une vie unifiée, comment on peut vivre une solitude qui n’est pas une solitude désertique ou désespérée, mais une solitude qui ouvre à l’écoute de l’Esprit et qui s’unifie autour de cette écoute. Vous montrez comment on peut bien assumer sa finitude humaine, qu’il y a un commencement et une fin sur cette terre.
Vous montrez, comment aujourd’hui on peut être capable d’un choix définitif dans une société du non choix. La société tout entière est adolescente, le propre de l’adolescence est qu’il n’a pas encore fait de choix et cette société nous invite à ne pas faire de choix puisqu’elle nous demande d’être capable de changer de travail plusieurs fois dans sa vie.
Vous montrez aussi que cette solitude n’est pas individualiste, cette solitude est ouverte sur la communion, la communion universelle. Ne pas confondre capacité d’autonomie et indépendance. Nous sommes faits pour la dépendance par ce que nous sommes à l’image d’un Dieu Trinité Père fils esprit saint, nous sommes faits nous-mêmes pour la relation.
On a ce cadeau à faire à notre monde qui fuit la solitude de multiples manières.
Un 3ème temps, je voudrais souligner quelques points forts dans les témoignages entendus.
Nous avons été marqués par ce qui nous réunissait, ce qui nous était commun, c’était plus fort que par ce qui nous différenciait.
Je voudrais, avez vous, souligné l’admiration devant la multiplicité des instituts suscités par l’esprit saint.
C’est un même Esprit Saint qui suscite des instituts différents pour répondre à l’évangélisation. On peut admirer, contempler ce que suscite l’esprit. On voit bien que ces instituts vont dans le même sens, il y a des colorations différentes mais il y a une ligne de fond qui est là et aujourd’hui nous avons été amenés à vivre cette communion fraternelle profonde dans les différences légitimes.
Pour résumer les traits communs aux différents instituts, c’est le mystère de la Visitation. Le mystère de la Visitation de Marie à sa cousine Élisabeth exprime bien l’essence de la vocation des instituts séculiers.
Une personne disait : « il s’agit de porter Jésus en moi pour le donner. Il s’agit de laisser Jésus vivre en moi pour qu’il soit sauveur ». C’est tout le mystère de la Visitation, c’est Marie qui porte en son sein Jésus et qui rend visite à sa cousine Élisabeth.
Vous nous avez signalé l’importance de la prière, de l’oraison, des sacrements, de l’eucharistie en particulier, de l’adoration de l’écoute de la Parole, de la méditation de l’écriture. Il s’agit d’avoir cet espace d’intériorité dans lequel on se laisse habiter et transformer par le Christ. C’est un élément qui est commun à toutes les vocations dans les différents instituts.
Je voudrais souligner la dimension mariale : « faire alliance avec Marie dans sa mission maternelle » comme le souligner quelqu’une d’entre vous. C’est la mission maternelle de l’église tout entière que vous vivez d’une manière toute particulière. Vous donnez à voir le visage de l’Église mère des hommes, porteuse de la vie. Cette dimension mariale est fortement présente dans les instituts séculiers.
Un 4ème aspect : Votre présence dans la vie quotidienne ordinaire, c’est ce que l’on voit dans la Visitation : Marie rend visite à sa cousine. C’est dans le cadre domestique, c’est dans le cadre de la vie tout court, dans les services les plus banals, les plus simples. C’est là que se vit cette rencontre avec le Christ.
Une présence aussi ordinaire et quotidienne avec les plus fragiles dans notre société aujourd’hui, vos instituts savent être présents avec des gestes simples, banals, auprès des personnes les plus fragiles.
Les instituts auquel vous appartenez ont pour vocation d’être témoin de la miséricorde de Dieu Il s’agit, de dire : « Quelle que soit ton histoire, tu es aimé de Dieu». La miséricorde de Dieu ouvre des horizons infinis, donne une espérance dans un monde qui manque d’espérance. Nous avons à dire cette bonne nouvelle.
Importance aussi de noter la sobriété de vie. Le témoignage de vie, c’est-à-dire manifester où est l’essentiel. Ce n’est pas tout de le dire avec des mots, il est aussi important de le dire avec tout son être et par l’observance des conseils évangéliques, par une vie toute simple, par le choix d’un célibat pour Dieu, par le choix d’une vie sobre dans la pauvreté, par l’obéissance à une règle, à des exigences. Cette sobriété de vie, c’est ce qui touche les gens et qui rend crédible tout le reste..
C’est une vocation qu’il faut faire davantage connaître. Il y a un travail à faire pour sensibiliser les prêtres et les évêques pour faire connaître cette belle vocation. Les instituts ont à être présents dans les conseils diocésains de la vie consacrée. Il y a aussi des lieux où il faut être présent : site Internet, groupe de jeunes professionnels.
Et l’année 2015 sera l’année de la vie consacrée, il s’agit aussi d’être présent tout au long de cette année. Là il y a un enjeu important pour faire connaître les instituts séculiers.