Très jeune, j‘ai été saisie par la gratuité de l’Amour du Seigneur, il fallait que je réponde…

Mon adhésion trouva son expression dans le service aux autres (je me souviens, très tôt, me rendre chez un aveugle qui vivait seul, pour lui donner à manger et me promener avec lui). Peu à peu, en dépit de turbulences causées par mon entourage immédiat, mon sens social se développa ; le désir de suivre le Christ dans ma vie quotidienne, en contact avec tous ceux que je rencontrais, s’installa en moi comme le « lieu sacré » où Dieu me demandait d’être avec Lui ; en effet, le « chercher Dieu en toutes choses » s’imposait à moi dans un mouvement de  « contemplation-action » : au cœur de mon agir quotidien, contempler l’œuvre de l’Esprit de Dieu agissant au cœur des humains en me laissant transformer par Lui.

J’ai cherché longtemps quelle forme de vie consacrée correspondait le mieux à l’appel reçu ; en même temps il me fallait aussi avancer avec une formation professionnelle permettant d’exercer un travail où le service de l’autre prendrait aussi toute sa place.

Une formation musicale terminée au Conservatoire m’ouvrait la porte à la Radio (RTBF) sous l’influence de notre directeur…Etait-ce déjà l’horizon professionnel tracé… ?! J’ai prié cette proposition, j’ai discerné et réfléchi avec mon accompagnateur spirituel et les femmes laïques consacrées de Institut Séculier qui m’ont accompagnée ; les échanges et interpellations  entre nous ont nourri mon discernement et c’est en toute liberté que j’ai choisi de récuser cette offre de travail. Pour moi c’était une vie trop superficielle et centrée sur l’intérêt personnel, la gloriole. Ce n’était pas là ma place.

Quelques années comme 1er clerc dans une étude notariale m’a permis de découvrir l’importance d’un contact individuel rejoignant déjà les besoins de la personne et au-delà, par des démarches, des négociations, le bien-être de la famille. Justice, paix, vérité et réconciliation dominaient l’esprit relationnel que j’apprenais à vivre. Ce rayonnement social m’attirait beaucoup, mais, à cette époque, les femmes n’étaient pas encore admises à faire le droit notarial en Belgique. Je ne pouvais donc pas continuer dans cette voie.

Je ne désespérais pas, car le Seigneur me conduisait. J’étais face à l’inconnu comme Marie ; J’ai appris à mettre ma confiance en Celui qui est « le chemin… ». A ce moment-là surgit, s’éveille au fond de moi-même, ce qui était à l’état latent : l’orientation médicale. La profession de Médecin ne m’attirait pas car le contact avec le patient était trop éphémère. J’ai donc opté pour le graduat d’infirmière où les soins me permettaient non seulement une proximité, un contact plus étroit dans le temps, mais aussi je rencontrais une personne dans son intégralité avec ses projets, ses peurs, ses angoisses, sa souffrance, ses questionnements.

J’ai passé trente ans en milieu hospitalier universitaire ; j’étais confrontée aux défis de la science avec ses implications pratiques dans le respect de la personne. Et surtout le contact quotidien avec les personnes m’a formé, m’a révélé les traces du travail de l’Esprit du Christ à l’œuvre en tout homme même si celui-ci ne peut pas le nommer ou le refuse. Je crois que sur ce chemin Dieu a creusé en moi son désir de l’homme et m’a ouvert à ce que, seule, je ne savais pas voir en l’homme.  Quelle merveille que l’être humain à travers sa pensée créatrice participant à l’action du Créateur même s’il fait aussi obstacle au travail du Créateur ou le refuse.

L’Amour et la miséricorde de Dieu sont toujours donnés à l’homme sans condition et « à vie » ; je prie sans cesse le Seigneur de me le faire découvrir et de grandir dans ma foi.

Enfin, à 60 ans, cet acquis professionnel m’a conduite à organiser, dans ma maison familiale, l’accueil des personnes âgées ou en très grande difficultés selon les règles et les exigences professionnelles, avec une espérance « chevillée au corps » en toute personne humaine avec ses limites et ses « beautés » ; j’ai découvert la joie d‘accompagner leur fin de vie ou de leur donner une vie dans le respect et la dignité inhérente à la personne humaine.

J’ai aussi appris à vivre avec nos fournisseurs, nos prestataires, tout le personnel travaillant avec nous une relation professionnelle avec ses exigences de dignité humaine, de justice pour trouver des chemins de « développement intégral » de toute personne. J’ai découvert la diversité des cheminements, j’ai appris à accueillir l’autre même si je n’ai pas tout compris, j’ai vécu des oppositions et divergences difficiles ; l’important était de parler, s’expliquer, et d’être présent dans une relation où chacun peut exister dans son intégralité.

Sur ce long chemin humain, j’ai beaucoup reçu des autres, j’ai ancré encore plus mon être dans l’Amour du Seigneur qui seul peut m’aider à grandir en dignité humaine tout comme l’autre s’il y consent.

Après 25 ans de responsabilité en Maison de Repos, j’ai remis celle-ci à d’autres professionnels car j’arrivais à un âge avancé. Il va de soi, que c’était une expérience spirituelle riche non seulement par une totale  désappropriation  mais également un dépouillement intérieur : « Il faut qu’il  croisse et que je diminue… ».

Cette disponibilité m’a orientée vers ceux qui sont « restés sur le bord du chemin », sont bafoués dans leurs droits fondamentaux. Vivre la proximité de la rencontre dans le quart monde m’interpelle fortement. Il faut « sentira cum ecclésia », s’ouvrir aux « cris et gémissements du peuple », rencontrer l’autre dans sa vérité et parce que nous sommes frères en humanité et restituer l’homme dans sa dignité, dans ses droits ;  n’est-ce pas le rejoindre au plus profond de lui-même dans son altérité et par-delà, découvrir le Seigneur ? ( je fais écho à G. Laffont) . Pour moi, cela passe par répondre à ses attentes, lui faire confiance, le soutenir dans ses projets. Bref, lui faire prendre conscience de sa valeur d’Homme capable d’être acteur de sa vie et indépendant de l’assistanat qui le laisse dans un état de dépendance et fait de lui un exclu de la Société, n’ayant pas droit à la parole. Le premier pas fait avec cette personne sur son chemin nécessite de développer en lui ses compétences, son sens de la créativité pour qu’il retrouve goût à cette étincelle d’humanité placée par Dieu en tout homme qui, alors, peut faire beaucoup plus et beaucoup mieux que ce que chacun de nous aurait imaginer.

Cette force intérieure, don de Dieu, s’est installée en moi progressivement au cours d’un long compagnonnage avec l’Esprit du Christ reçu de différentes manières :

  • La vie de relation avec tous ceux que je côtoie.
  • Mes temps de méditation de la parole de Dieu qui accompagnent la relecture quotidienne de la vie de la journée,
  • Les rencontres et temps forts de mon Institut Séculier : ce fut d’abord un temps de formation initiale d’un peu plus de 10 ans avant mes vœux définitifs : cela m’a aidée à clarifier l’appel à suivre le Christ pauvre, chaste et obéissant dans la vie consacrée avec un Institut Séculier, avec la voie du célibat à vie pour le Royaume ; notamment les partages et relectures de vie, la méditation de la Parole de Dieu pour recevoir du Seigneur, l’apprentissage de la prière d’alliance, les retraites périodiques, la vie sacramentelle. Cela m’aidée à entrer dans un discernement de l’appel de Dieu au quotidien pour apprendre à laisser Dieu transformer mes capacités d’aimer, de posséder, et d’avoir dans mes relations.

Au fur et à  mesure j’ai découvert que ce qui m’habitait en profondeur pour orienter ma vie était partagé par les autres membres de mon Institut qui le vivaient dans leur milieu et avec leur histoire propre : cela correspondait à notre charisme commun dont les points forts sont : rechercher le développement intégral de tout homme, du tout de l’homme pour le rendre acteur et co-créateur de la dignité humaine de chaque personne; chercher à agir sur les causes fondamentales et structurelles de ce qui blesse l’homme, l’éloigne de sa vocation d’homme aimé de Dieu.

  • L’importance de la fraternité vécue au sein de mon institut séculier : elle irrigue la fraternité humaine que j’apprends à vivre au quotidien, et cette dernière nourrit la vie fraternelle où chacune reçoit des autres membres de l’Institut et du Seigneur.

Cette fraternité de mon institut me soutient chaque jour ;

  • La vie de l’Eglise locale à laquelle je participe depuis toujours dans un esprit de communion avec nos évêques.

Renée (Belgique)

 

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